Histoire du Consulat

La représentation française jusqu’en 1915

Naissance et essor des représentations consulaires occidentales à Casablanca :

Quand le Maroc commence à s’ouvrir au commerce international dans le deuxième tiers du XIXe siècle, les villes côtières ne disposent que d’ « agences consulaires ». Les agents consulaires sont généralement choisis parmi les négociants juifs marocains ou parmi les négociants européens installés assez durablement pour exercer la charge de Consul. Ils ne sont pas rémunérés et n’offrent qu’une aide limitée aux capitaines et aux commerçants. A Casablanca, Pierre Ferrieu est, dans les années 1840, le premier « agent consulaire provisoire ».

A la suite d’un traité de commerce conclu en 1856, la Grande-Bretagne est la première puissance européenne à nommer un vice-consul de carrière à Casablanca (1857), bientôt suivie par la plupart des grands pays occidentaux. Ainsi, à la fin du XIXe siècle, Casablanca est le siège de quatre consulats de plein exercice (tous situés dans l’ancienne médina, seule zone alors urbanisée) : ceux de France, d’Espagne, de Grande-Bretagne et d’Allemagne. On compte également dix vice-consulats et agences consulaires : Italie, Portugal, Belgique, Pays-Bas, Autriche-Hongrie, Suède et Norvège, Danemark, Grèce et états-Unis.

Ces changements structurels s’accompagnent de changements de nature dans les relations entre consulats en terre marocaine et dans les relations entre les consulats et leur pays d’envoi. Les préoccupations commerciales passent désormais au second plan par rapport aux préoccupations politiques. Les miradors au sommet des consulats signalent que ce sont aussi des lieux d’informations reçues et transmises : ils permettent de faire des signaux aux navires et bientôt aussi de placer la TSF. Au-dessus de la ville blanche planent désormais les tours de guet des consulats, sur lesquels flottent les couleurs des nations européennes.

Le premier Consulat de France (aujourd’hui disparu) dans l’ancienne médina :

En 1865, l’agence consulaire française de Casablanca, tenue par Prosper Ferrieu, fils de Pierre Ferrieu, est érigée en « vice-consulat de France à Casablanca et Mazagan » (et lorsque la France réorganise les postes consulaires de la côte, en 1873, c’est Casablanca qui est choisie comme siège d’un vice-consulat unique au détriment de Rabat). La décision de nommer Théodore Gilbert comme premier vice-consul (1865-1869) est promptement prise, mais la création d’une véritable résidence est moins rapide : pendant un an, Gilbert sera logé successivement chez Prosper Ferrieu puis chez un autre négociant, Serieyz, à l’étroit et dans l’humidité selon ses dires…
Les différents vice-consuls sont successivement Maurice-Ernest Flesch (1869-1877), Henri-Joseph Sauvaire (1877-1879), Caussia de Mauvoisin (1880-1882), Edouard Gasselin (1882-1883), Marie Jean Joseph Craveri (1883-1886) et Léon-François- Xavier Collomb (1886-1898).

C’est Collomb, promu consul en 1893, qui inaugure l’élévation du poste au rang de consulat. Charles-Albert Pinard (1898-1901), Jean-Claude Lazare Malpertuy (1902-1910), Lucien-Ernest-Roger Laronce (1910-1915) sont les derniers consuls, placés sous l’autorité du Ministre plénipotentiaire de France au Maroc, alors installé à Tanger (Eugène Regnault de 1906 à 1913).
Le poste de consul, qui n’était plus en fait, depuis 1913, que le représentant local des autorités du Protectorat à Rabat, disparaît en 1915, absorbé par l’administration française qui se met en place sous l’égide du général (futur maréchal) Lyautey. Des actes d’état civils continuent cependant d’être transcrits sur les registres consulaires jusqu’en 1918.

La localisation du premier consulat de France est particulièrement bien choisie : sur la muraille de la Médina, près de la douane et non loin de la Porte de la Marine. Depuis la terrasse on voit le port et la campagne. Le journaliste Christian Houel décrit la construction et ses annexes en 1907 : « le consulat est un bâtiment sans style, entouré d’un jardin sans fleurs. De hautes murailles de pierre l’entourent.
Au rez-de-chaussée sont les bureaux et un salon aux murs surchargés de poteries et de rutilants plateaux de cuivre ; au premier étage, l’appartement du consul titulaire, M. Malpertuy. La terrasse est surélevée d’un mirador au sommet duquel flottent les trois couleurs ».
Le bâtiment de l’ancien consulat de France dans l’ancienne Médina a aujourd’hui disparu. Il se situait à peu près à l’emplacement de l’actuelle OEuvre de la Goutte de Lait.

Le bâtiment de l’actuel Consulat général de France sur la Place Mohammed V

Au moment de l’Indépendance du Maroc en 1956, le nouveau Consulat général de France, recréé dans une nation souveraine, se loge pendant quelque temps dans des locaux temporaires près du Port, avant de déménager rapidement dans le bâtiment qui l’abrite encore aujourd’hui.
Ce bâtiment était l’ancien Hôtel du commandement militaire (ou « Hôtel de la subdivision »), l’un des tout premiers édifices construits, à partir de 1916, sur la grande Place Administrative.
Les deux bâtiments en angle, presque jumeaux, qui encadrent le Palais de Justice ont en effet été conçus pour les militaires : à l’angle sud-est l’Hôtel du commandement militaire ou Hôtel de la subdivision, et à l’angle nord-ouest le Cercle militaire ou Nouvelle Subdivision (actuelle Place d’Armes de Casablanca).

L’architecte du bâtiment, Albert Laprade (1885-1978), précise que « l’hôtel a été étudié spécialement dans le composition de la Place Administrative pour donner un motif léger au fond d’une masse et caler l’imposante silhouette du Palais de Justice ». L’édifice présentait à l’origine certains des traits architecturaux des constructions néo-mauresques, car Laprade se passionnait pour l’architecture urbaine traditionnelle marocaine.
Mais si les éléments architecturaux sont restés conformes aux dispositions d’origine, le décor, avec ses arcs en accolade ou outrepassés, ses fins reliefs en nid d’abeilles, a disparu sous l’enduit de surface unificateur et simplificateur posé à la fin des années 50, au moment de la transformation du bâtiment de l’ancienne Subdivision militaire en Consulat général de France.
Les anciennes photos de l’édifice témoignent d’une grande similitude de style avec le bâtiment abritant, à l’angle Nord-Ouest de la place, la Place d’Armes de Casablanca. Celui-ci a conservé, outre ses fonctions militaires, l’essentiel de son décor néo-mauresque.
La restructuration du bâtiment au moment de sa transformation en Consulat général de France porte sur le réaménagement des locaux afin de les adapter à des nécessités nouvelles. Les salles pour accueillir les visiteurs sont agrandies mais les formes d’origine sont respectées.

Partout, des placages de travertin soulignent les ouvertures.
C’est une sorte d’architecture modulaire où domine le corps central, surmonté d’un toit pyramidal de tuiles vertes.
Au premier étage, le bureau du Consul général s’ouvre sur le parc par une loggia que soutiennent trois arcs. Cette simplification décorative plaque, sur un bâtiment construit en 1916, le style épuré des architectes des années 30 à 50, qui ont fait de la ville un laboratoire d’expérience de l’architecture et de l’urbanisme nouveaux.

La statue équestre du Maréchal Lyautey

Les façades monumentales et les axes de la Place Administrative, actuelle place Mohammed V, convergeaient vers le statue équestre du Maréchal Hubert Lyautey (1854-1934). Envisagée dès 1924 par Albert Laprade, architecte, entre autres bâtiments, de l’actuel Consulat général de France, cette statue s’impose à la mort de Lyautey en 1934.
Un Comité franco-marocain du Souvenir au Maréchal Lyautey se met alors en place pour recueillir les fonds d’une souscription, dans le but de perpétuer le souvenir de Lyautey « par un monument digne de lui », qui « sera édifié à Casablanca qui lui doit tant et qu’il aimait pour la vie ».

La statue est inaugurée au centre de la place en 1938. Lors de l’indépendance du Maroc, elle est déplacée de quelques dizaines de mètres et orne désormais le jardin du Consulat général de France, ancien Hôtel du commandement militaire.
La statue équestre du Maréchal Lyautey est signée de l’architecte Marchisio et du statuaire François Cogné (1876-1952), également auteur, parmi de nombreuses autres oeuvres, de la statue de Georges Clemenceau sur l’avenue des Champs Elysées.
Le cheval est fin et racé, son cou laisse voir la tension des muscles. Ses quatre pieds sont posés au sol ; aux ordres, la bride est relâchée. Svelte et sans armes, le Maréchal Lyautey salue du bâton étoilé reçu en 1921.

Cette représentation équestre correspond bien à l’idée que les hagiographes se font de Lyautey. Comme Plutarque dans « les vies parallèles », on le compare à Alexandre le Grand fondateur de villes. Il y a quelque chose d’antique dans la mâle assurance qui se dégage de la statue (on pense à la statue équestre de Marc Aurèle sur la place du capitole à Rome).
Il y a des réminiscences des statues d’Auguste dans le profil, et ce n’est pas par hasard qu’Albert Laprade dira de lui, plagiant la formule des Hauts faits du Divin Auguste : « Le Général Lyautey avait trouvé une ville en pisé et en tôle ondulée ; il la laissa dix ans après en béton et en marbre ». Il est probable que cette image de Lyautey à cheval soit aussi celle qu’il entendait laisser au Maroc en le quittant. En effet, à l’occasion de la cérémonie d’adieu au Sultan Moulay Youssef à Rabat, le 2 octobre 1925, il avait tenu à se rendre au palais à cheval, dernière expression de sa souveraineté au Maroc.

Les citations bilingues de Lyautey inscrites sur l’imposant piédestal évoquent, dans un style volontairement imprécis et fait de bons sentiments, les apports mutuels des deux composantes de la population : « Plus je fréquente les Marocains plus je vis dans ce pays, plus je suis convaincu de la grandeur de cette nation ». La plus longue citation est plus complexe : « Je crois avec tout mon coeur, toute mon âme et avec toute mon expérience que la meilleure manière de servir la France dans ce pays, d’y assurer la stabilité de son établissement, c’est de lui apporter l’âme et le coeur de ce peuple ».
La citation inscrite sur la face tournée vers la terre traduit bien l’ambition, l’autorité et le charisme de Lyautey ainsi que sa volonté de modeler l’espace marocain : « Etre de ceux auxquels les hommes croient, dans les yeux desquels des milliers d’yeux cherchent l’ordre, à la voix desquels des routes s’ouvrent, des pays se peuplent, des villes surgissent ». La même inscription est gravée sur le tombeau du Maréchal Lyautey aux Invalides, où son corps, d’abord inhumé à Rabat, a été transféré en 1961. Enfin, la citation qui regarde aujourd’hui le bureau du Consul général exalte l’amour que Lyautey porte au pays et aux hommes : « Cette parcelle d’amour sans laquelle rien de grand ne peut se faire ».

Au-dessous des citations, le piédestal porte sept reliefs de bronze historiés illustrant les points forts de l’idéologie et de l’action d’Hubert Lyautey. Chacun de ces reliefs comporte deux registres de taille inégale. Un grand motif occupe la partie basse de chaque panneau
tandis qu’une petite représentation complète le thème général.

La face vers la mer évoque l’apport de la France : le port, la ville, les transports et la santé. La face vers la terre représente les activités traditionnelles des Marocains. Des hommes et des femmes aux amples vêtements, des uniformes militaires contrastent avec la nudité des enfants potelés, sorte de putti mauresques.

Les trois reliefs côté mer ou les hauts faits de Lyautey :

Le premier panneau représente le port et la ville de Casablanca qui ont été les premières préoccupations de la Résidence.
Lyautey et Delure se tiennent sur la digue réalisée suivant les plans projetés. Une vue cavalière de Casablanca occupe le registre du haut.
Sur le deuxième panneau, un navire à quai baptisé « Maréchal Lyautey », une grue, des paquets, des dockers illustrent les échanges de produits avec la métropole. Un crieur de journaux porte sous le bras la Vigie marocaine dont le titre est bien lisible dans le bronze. Le registre du haut montre une puissante locomotive.
Le troisième panneau évoque les préoccupations hygiénistes et médicales du premier protectorat. Lyautey visite un malade alité devant une infirmerie. Personnel médical européen et indigène, religieuses et enfants marocains assistent à la scène.

Les trois reliefs côté terre, une figuration de la vie marocaine traditionnelle :

Les trois reliefs de l’autre face sont consacrés aux activités économiques, politiques et spirituelles traditionnelles. Sur le premier panneau, un souk établi en lisière de forêt permet d’exposer,
au premier plan, les fruits de la terre marocaine. Le registre du haut montre une scène de labour à l’araire tiré par deux dromadaires, dont le caractère traditionnel et archaïque relève de l’exotisme.
Le panneau central évoque la vie nomade et la tribu avec des tentes et des cavaliers en armes.
Le dernier panneau présente les produits de l’artisanat marocain au pied de la Koutoubia de Marrakech : reliures d’art, maroquinerie, orfèvrerie, argenterie… Le registre supérieur représente l’arc de Volubilis, qu’au terme des fouilles, on a remonté en 1933. Cette représentation rattache le Maroc aux cultures méditerranéennes et préislamiques.

Dernière modification : 10/06/2015

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